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Fermeture électrique d'un immeuble / Pratiques religieuses du locataire

Cass. Civ. III : 18.12.02


Cet arrêt de la Cour de cassation tranche le problème du conflit entre la liberté de religion et le droit régissant les rapports locatifs.

Une société propriétaire d'un ensemble immobilier a installé un dispositif de sécurité (une serrure électrique) ayant abouti à limiter l'accès à l'entrée. Des locataires de l'immeuble, de confession israélite, ne pouvant utiliser ce système de fermeture pendant le sabbat et les fêtes, engagent une action afin de condamner le bailleur à installer en plus du système existant une serrure mécanique.

Un locataire peut-il contraindre un bailleur à adapter le logement afin de le rendre compatible avec l'exercice de sa religion ?

Si on s'en tient à la lettre des textes, aucune obligation de ce type ne semble s'imposer à un propriétaire au titre de son obligation de délivrance. Néanmoins, la liberté de culte est un droit fondamental affirmé de longue date non seulement par le droit international, mais également par le Conseil Constitutionnel et prime, de ce fait sur le droit interne. La liberté de conscience, aux termes de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, implique le droit d'exprimer et de manifester ses croyances religieuses " par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ". Or, le refus d'installer une serrure mécanique a pour conséquence de faire obstacle à l'exercice de ce droit fondamental. Pour le juge du fond, l'inconvénient qui résulte du refus du bailleur cause aux requérants un " trouble manifestement illicite " ; les conventions devant être exécutées de " bonne foi ", on peut valablement imposer au propriétaire de poser une serrure supplémentaire, cette obligation n'étant pas disproportionnée par rapport aux termes du contrat.

Cependant, cette décision est cassée par la Haute juridiction qui s'appuie essentiellement sur les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ; en effet, si le principe de la liberté de culte y est affirmée avec force, il est également précisé que la loi peut établir des restrictions en vu de la protection des droits et libertés d'autrui. Or, la loi du 6 juillet 1989, d'ordre public, a pour vocation de donner un cadre à l'exercice des rapports locatifs ; la Cour relève que ce texte n'impose aucune obligation spécifique à charge du bailleur par rapport aux " pratiques dictées par les convictions religieuses des preneurs " celles-ci étant placées en dehors du champ contractuel du bail.

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