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Accession à la propriété : les opérations à risques

ANIL, Habitat actualité, janvier 1998


Les difficultés des accédants tiennent en premier lieu, on le sait, aux accidents de la vie - chômage, divorce, mobilité contrainte - dont la fréquence a augmenté de façon continue au cours des deux dernières décennies, et qui peuvent frapper indifféremment dans les diverses classes sociales. Il est d'autant plus difficile d'apprécier, lorsqu'un projet s'engage, le niveau de risque qui lui est attaché.

Il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre de projets d'accession présente d'emblée, et ce sans préjuger des événements qui pourraient survenir ultérieurement dans la vie des ménages concernés, une fragilité qui peut laisser présager de difficultés à venir.

Il s'agit vraisemblablement de ménages dont les capacités d'épargne sont faibles. Ils éprouveront donc des difficultés pour disposer rapidement d'un apport personnel conséquent. Leurs capacités de remboursement sont également limitées au regard du montant de l'endettement nécessaire à l'achat d'un logement. Leurs marges de manoeuvre sont donc étroites et ils sont, en général, fortement dépendants de l'aide publique.

Les ADIL ont établi plus de 30.000 plans de financement ou diagnostics financiers en 1997. Ces consultations ont pour objet, soit d'optimiser les plans de financement, soit de déterminer le montant maximum de l'achat, compte tenu des capacités financières du ménage. Si ce montant est insuffisant, au regard des conditions du marché local, pour financer l'acquisition d'un logement correspondant à ses besoins, l'ADIL conseille de modifier le projet ou d'en différer la réalisation. L'objectif est d'éviter que les ménages ne s'engagent dans des opérations présentant a priori des risques élevés, les consultants étant bien évidemment, libres de suivre ou non l'avis qui leur a été délivré.


Peut-on caractériser les projets aventureux et les ménages dont ils émanent ? C'est ce qui a été fait à l'aide d'un échantillon des données recueillies par les ADIL au cours du premier semestre 1997.

Sur les quelques 8.300 projets de l'échantillon, près de 20 % ont été jugés non réalisables par les ADIL. Ce chiffre peut paraître élevé : il faut toutefois remarquer que dans nombre de cas, la consultation de l'ADIL est la première démarche entreprise, et qu'il ne doit donc pas être extrapolé aux opérations effectivement engagées. Ces projets émanent bien entendu, pour une large part, de ménages à faibles, voir très faibles, revenus : près de 70 % des projets déconseillés sont le fait de ménages dont le revenu par unité de consommation (*) est inférieur au revenu par u.c. médian des ménages français (soit environ 6.000 F). Le pourcentage de projets déconseillés est élevé (plus d'un tiers) parmi les ménages très modestes. Il décroît lorsque le revenu par uc augmente, mais reste non négligeable (12,5 %) pour les ménages aisés : les projets à risque ne sont donc pas limités à l'accession sociale.

Revenu mensuel par u.c.< 4 000 F4 000 à 6 000 F6 000 à 8 600 F> 8600 FEnsemble
% de projets déconseillés36 %20 %15 %8 %20 %

Il est particulièrement fort chez les familles monoparentales, qui sont, il est vrai, assez faiblement représentées au sein des candidats à l'accession et, à un degré moindre, chez les couples avec deux enfants ou plus, notamment chez les plus jeunes d'entre eux. Ces deux catégories de ménages sont précisément celles dont le revenu par unité de consommation est le plus faible : pour ceux dont les projets sont jugés non viables, l'accession à la propriété se traduirait, dans la majeure partie des cas, par une charge financière excessive et par un revenu résiduel par unité de consommation (le "reste à vivre) très faible, souvent inférieur à 3.000 F par mois.

Ces projets se caractérisent par un montant d'apport personnel deux fois moins élevé (85.000 F contre 167.000 F) bien qu'en moyenne non négligeable, qui conduirait les ménages concernés, s'ils persistaient dans la poursuite de leur projet, s'endetter lourdement (3,5 années de revenu contre 2,8). Ces observations sont valables quel que soit le niveau de revenu, le type de projet retenu (neuf, ancien ou acquisition-amélioration) et le mode de financement envisagé (avec ou sans prêt à taux zéro).*

* Le revenu par unité de consommation est calculé en divisant le revenu -hors prestations familiales- par le nombre d'unités de consommation du ménage : 1 pour la personne de référence, 0,7 pour le conjoint, 0,5 pour chaque enfant. Il représente en quelque sort le pouvoir d'achat et permet la comparaison entre les ménages de composition différente, ce que n'autorise pas le revenu brut).

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