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Expulsion / Référé liberté / Exécution jugement

CE : 29.3.02


Dans cet arrêt important, le Conseil d'Etat estime que le droit de propriété fait partie de l'une des " libertés fondamentales " permettant à une personne, qui verrait son droit lésé par l'autorité administrative, d'agir en référé devant le tribunal administratif, afin d'en demander la sauvegarde.

Les faits sont les suivants : des propriétaires dont les locaux ont été occupés par des personnes ne justifiant pas d'un titre d'occupation régulier ont agi devant le président du tribunal de grande instance afin d'obtenir leur expulsion. La requête aboutit, et la libération des locaux est ordonnée sous dix jours. Cependant, le préfet refuse de prêter le concours de la force publique, invoquant le fait que l'on se trouve dans la période de trêve hivernale.

Les requérants agissent par la voie du référé liberté devant le tribunal administratif, afin d'ordonner à l'Etat de mettre sans délai à exécution l'ordonnance d'expulsion. Le juge administratif ayant rejeté le recours, l'affaire est portée devant le conseil d'Etat. La haute juridiction annule la décision du tribunal, les dispositions relatives à la trêve hivernale n'étant pas applicables lorsque les occupants sont entrés dans les lieux par voie de fait.

Puis, reprenant l'affaire au fond, elle vérifie la recevabilité de l'action. Selon le code de justice administrative, pour que le référé soit recevable, il est nécessaire que soit en cause une liberté fondamentale à laquelle serait portée une atteinte grave et manifestement illégale.

Le conseil d'Etat énonce que " le droit de propriété a, comme son corollaire qu'est le droit pour le locataire de disposer librement des biens pris à bail, le caractère d'une liberté fondamentale (…) " et qu'en s'abstenant de prêter son concours à l'exécution de l'ordonnance du tribunal de grande instance le préfet a " porté à l'exercice de cette liberté par les requérants une atteinte grave et manifestement illégale ". En conséquence, il est ordonné à l'Etat d'agir dans les quinze jours sous peine d'astreinte.

Ainsi, concernant l'exécution d'une décision d'expulsion, il est possible d'utiliser la procédure du référé liberté en cas d'inaction de l'administration.

Par extension, d'autres décisions émanant de l'administration, susceptibles de porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété, pourraient faire l'objet de cette procédure devant le juge administratif.

Cependant, il est bon de rappeler qu'il n'est pas possible d'utiliser cette action contre la décision d'octroi d'un permis de construire ; celui-ci étant délivré sous réserve du droit des tiers, il n'est pas susceptible par lui-même de porter atteinte au droit de propriété (CE : 11.10.01).

cf. CE 2.6.05

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